Remettons la compétence au cœur du réacteur

Autant se dire les choses telles qu’elles sont : si demain, notre Directeur Général ne se présente pas à son poste, nos usines ne s’arrêteront pas de tourner. En revanche, si, pour une raison ou une autre, nos monteurs régleurs nous font faux bond, c’est toute la machine qui risque de se gripper. Que faire ?

Un tel constat mérite notre attention et ce d’autant plus que nous éprouvons – et je crois que c’est le cas de toute la filière – d’importantes difficultés à recruter des profils techniques. Pourtant, le plein emploi est au choix un lointain souvenir ou un doux mirage, et notre secteur a de l’avenir si tant est qu’il négocie adroitement le virage de l’économie circulaire. C’est d’ailleurs ce à quoi nous nous attelons avec détermination et vigueur au quotidien.

Chez nous comme ailleurs, il y a bien évidemment des points d’amélioration évidents pour fidéliser les équipes et faciliter les recrutements. Même si des progrès ont été faits et que l’industrie a tourné le dos au travail à la chaîne depuis belle lurette, soyons clairs : notre environnement de travail reste très éprouvant avec des 5×8, et des horaires le soir et le week-end. Il est donc tout à fait logique que l’amélioration des salaires et des conditions de travail figure tout en haut de la liste des priorités.

« Je ne ferai pas ça toute ma vie »

Cette phrase, nous l’entendons trop souvent de la part des opérateurs que nous embauchons. Du fait de leur technicité, nos métiers s’apprennent avec le temps et, un peu à contre-courant du contexte sociétal et des usages de la nouvelle génération, nous cherchons cependant à engager et à nous engager sur le long terme. Plus le niveau de turnover est élevé, plus celui-ci affecte nos activités. Depuis un moment, il a été demandé aux équipes RH de se mobiliser pour qu’effectivement ils ne fassent pas ça toute leur vie. L’objectif ? Mettre en place une vraie politique de formation avec des parcours de formation interne pour que chacun puisse progresser au sein de l’entreprise, et améliorer ses conditions de travail et de rémunération. Ces parcours doivent permettre à ceux qui le souhaitent de devenir conducteur machine, chef d’équipe, monteur régleur, technicien maintenance, chef d’atelier, responsable de production voire directeur de site…selon les envies et les capacités de chacun.

Dans les PME industrielles, l’obsession de faire tourner la machine a souvent étouffé la réflexion stratégique sur la compétence et la formation. On pare au plus pressé : il manque un gars, vite, on en recrute un autre, qui sera formé sur le tas par ses collègues qui, soit dit en passant, n’auront pas forcément été formés à former. Et l’on apprend à vivre avec le risque qu’une vague de départs à la retraite ou vers d’autres cieux soit (paradoxalement) synonyme de retour à la case départ.

Nous croyons qu’il faut remettre la compétence au cœur du réacteur à la fois pour l’attractivité de l’entreprise et celle de l’industrie. Les techniques et les matières, avec une utilisation croissante de plastiques recyclés, évoluent à vue d’œil. Et nos machines, chaque jour plus informatisées et performantes, demandent des compétences spécifiques pour en tirer le meilleur. On l’aura compris, c’est la formation qui permettra d’anticiper les compétences de demain.

Sauf qu’aujourd’hui, il y a vraie une déconnexion entre l’offre de formation existante qu’il s’agisse des CFA, des GRETA ou des lycées professionnels, et les besoins des PME industrielles. En prenant le cas de la plasturgie et de l’extrusion-soufflage qui est notre cœur d’activité : il n’existe en France que deux centres de formation dotés d’un démonstrateur d’extrudeuse. C’est trop peu pour adresser les besoins du secteur.

Les Plasti’Classes

C’est pourquoi nous lançons les Plasti’Classes. Cette formation permettra aux étudiants d’obtenir un diplôme reconnu par l’Etat et les industriels : le CQP Plasturgie Conducteur d’équipement de fabrication. Elle se déroulera sur une période de 6 mois avec 6 semaines de cours et 18 semaines de formation en entreprise. Elle doit nous permettre de recruter des candidats en recherche d’emploi ou en reconversion professionnelle, afin de les former à nos métiers et à notre industrie.

Mais, entendons-nous bien, ces Plasti’Classes, loin de constituer une fin en soi, ne sont qu’un premier pas. Avec cette formation, nous voulons ouvrir une porte : faire découvrir un métier, susciter de nouvelles vocations et offrir des perspectives professionnelles concrètes. Avec certes des opportunités de CDI, mais aussi et surtout un horizon composé de montées en compétences et d’évolutions de postes.

Dans le contexte d’une mondialisation pas si heureuse, à l’heure où les crises semblent se multiplier, nous nous devons de créer des emplois non délocalisables afin de générer de la valeur pour l’entreprise et les salariés. Il est indispensable que nos PME industrielles parviennent à recréer une compétence technique à haute valeur ajoutée. Notre attractivité mais aussi la souveraineté industrielle de la France est à ce prix.